lundi 18 avril 2016

Textes du bac

ARNOLPHE, à part.
Ah ! sorcière maudite, empoisonneuse d’âmes,
Puisse l’enfer payer tes charitables trames !
AGNÈS
Voilà comme il me vit, et reçut guérison.
Vous-même, à votre avis, n’ai-je pas eu raison ?
Et pouvois-je, après tout, avoir la conscience
De le laisser mourir faute d’une assistance,
Moi qui compatis tant aux gens qu’on fait souffrir
Et ne puis, sans pleurer, voir un poulet mourir ?
ARNOLPHE, bas.
Tout cela n’est parti que d’une âme innocente
Et j’en dois accuser mon absence imprudente,
Qui sans guide a laissé cette bonté de mœurs
Exposée aux aguets des rusés séducteur.
Je crains que le pendard, dans ses vœux téméraires,
Un peu plus fort que jeu n’ait poussé les affaires.
AGNÈS
Qu’avez-vous ? Vous grondez, ce me semble, un petit ?
Est-ce que c’est mal fait ce que je vous ai dit ?
ARNOLPHE
Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites,
Et comme le jeune homme a passé ses visites.
AGNÈS
Hélas ! si vous saviez comme il étoit ravi,
Comme il perdit son mal sitôt que je le vi,
Le présent qu’il m’a fait d’une belle cassette,
Et l’argent qu’en ont eu notre Alain et Georgette,
Vous l’aimeriez sans doute et diriez comme nous…
ARNOLPHE
Oui. Mais que faisoit-il étant seul avec vous ?
AGNÈS
Il juroit qu’il m’aimoit d’une amour sans seconde,
Et me disoit des mots les plus gentils du monde,
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l’entends parler,
La douceur me chatouille et là dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis toute émue.
ARNOLPHE, à part.
O fâcheux examen d’un mystère fatal,
Où l’examinateur souffre seul tout le mal !
(À Agnès.)
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses.
Ne vous faisoit-il point aussi quelques caresses ?
AGNÈS
Oh tant ! Il me prenoit et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n’étoit jamais las.
ARNOLPHE
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ?
(La voyant interdite.)
Ouf !
AGNÈS
Hé ! il m’a…
ARNOLPHE
Quoi ?
AGNÈS
Pris…
ARNOLPHE
Euh !
AGNÈS
Le…
ARNOLPHE
Plaît-il ?
AGNÈS
Je n’ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.
ARNOLPHE
Non.
AGNÈS
Si fait.
ARNOLPHE
Mon Dieu, non !
 
AGNÈS
Jurez donc votre foi.
ARNOLPHE
Ma foi, soit.
AGNÈS
Il m’a pris… Vous serez en colère.
ARNOLPHE
Non.
AGNÈS
Si.
ARNOLPHE
Non, non, non, non. Diantre, que de mystère !
Qu’est-ce qu’il vous a pris ?
AGNÈS
Il…
ARNOLPHE, à part.
Je souffre en damné.
AGNÈS
Il m’a pris le ruban que vous m’aviez donné.
À vous dire le vrai, je n’ai pu m’en défendre.
ARNOLPHE, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulois apprendre
S’il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.
AGNÈS
Comment ? est-ce qu’on fait d’autres choses ?
ARNOLPHE
Non pas.
Mais pour guérir du mal qu’il dit qui le possède,
N’a-t-il point exigé de vous d’autre remède ?
AGNÈS
Non. Vous pouvez juger, s’il en eût demandé,
Que pour le secourir j’aurois tout accordé.





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